Laura Poggioli
Dernier des trois gros titres de la rentrée de l’Iconoclaste, ce récit n’est pas celui que j’ai préféré, malgré un gros potentiel.
« Les chiens, c’est comme les femmes, ça se tient en laisse.»
Un soir de juillet 2018, Krestina, Angelina et Maria (respectivement 18, 17 et 15 ans), les trois sœurs Katchatourian attendent dans leur chambre le bon moment. Celui de la vengeance, celui du meurtre. Armées de leurs souffrances et de leur courage, de leur amour les unes pour les autres, elles sont décidées à mettre un terme au calvaire imposé par leur père. Et elles le tuent.
Ce fait divers a soulevé une grosse polémique en Russie, celle de la violence faite aux femmes. Les médias, l’opinion publique et même la politique se sont trouvés dans l’obligation d’ouvrir les yeux sur ce fléau domestique. Dans ce pays où l’un des dictons les plus répétés est « s’il te frappe, c’est qu’il t’aime », les violences conjugales et familiales ne sont pas reconnues comme des délits. Les femmes, les enfants, subissent et supportent. Ou alors ils cèdent et décèdent.
Laura Poggioli s’est intéressée de près à ce fléau de la Russie. En se penchant sur ce fait divers sordide et sur ses suites, elle revient sur sa propre histoire avec l’ex-URSS, ce qu’elle y a vécu comme amour et comme bonheurs, comme déceptions et comme douleurs.
« C’est tout simple d’être légères quand on s’aime.»
Ce livre aurait pu être excellent, vraiment. Malgré le contexte géopolitique actuel, on ne peut nier une certaine fascination pour ce pays qui n’a de cesse de se renouveler, d’un régime à un autre, d’un pouvoir à un autre. Il y a des traditions profondément ancrées, comme celles présentées par l’auteure. Des qualités et des défauts. Des choses qui ne bougent pas et qui, même dénoncées par l’opinion internationale, restent des valeurs du régime, de la culture russe.
Poggioli nous révèle ce qu’elle a découvert grâce à ce qu’elle a vu, lu, entendu, dans les médias. Mais il n’y a pas de contact direct avec les protagonistes ou d’investigation poussée comme on a pu en lire chez Orlean (avec L.A. Bibliothèque) ou Jaenada (avec la Petite Femelle ou le Printemps des monstres).
De fait, insérer dans le calvaire de ces trois sœurs et de leur famille son propre vécu ne donne pas plus de sens ni de profondeur à l’enquête qui s’avère, somme toute, assez superficielle. C’est d’autant plus dommage que le sujet est d’actualité. Même si la Russie est de toute façon à blâmer pour tout le reste, il est intéressant de nous éclairer sur comment fonctionne cette population que l’on connaît peu et sur son imperméabilité aux mouvements en marche dans le reste du monde. J’aurais aimé adorer ce récit, et je décide donc qu’il vaut la peine d’être lu ne serait-ce que pour ce qu’il nous apprend sur la vie là-bas, sur la place de Moscou et sur le soulagement qu’il apporte : j’ai de la chance d’être une femme en France.
« J’ai trouvé le bonheur simple, réel, l'amour avec lequel on construit une vie et j’ai mis tout le passé sous cloche.»
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