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Tu mérites un pays

Leila Bouherrafa

« … si en France l’habit ne faisait pas le moine, la barbe faisait l’ennemi. »

L’action se déroule à Paris. Après les attentats de 2015, entre le square Louise Michel et la rue de Ménilmontant. Layla est une jeune femme en attente de régularisation. Elle fait tout ce qu’on lui demande de faire : travailler, suivre des cours de Français, voir régulièrement une psychologue. Dans son foyer, dans le XXème arrondissement, pareil. Elle obéit. Elle veut être une française respectable, suivre les règles de l’administration, la procédure, s’adapter jusqu’à s’oublier : oublier son pays d’origine, oublier sa langue, oublier ses espoirs, oublier ses illusions.

Son chemin de croix, qui aura duré cinq ans avant d’être reçue en entretien pour valider sa demande la régularisation, croise celui de Momo, qui fait tourner le monde et le manège de Ménilmontant ; de Dune, alias Claude - ancienne aide-soignante, expulsée de son immeuble qui s’est effondré, obligée de dormir dans la rue et qui vend des fleurs fanées récupérées à la fin des marchés ; de Sadia, qui s’entraîne à parler avec l’accent de Marseille pour masquer celui d’Algérie et se fait appeler Diana pour mieux s’intégrer en France ; de Fatima et ses deux fils, des Maliennes, de Mme Meng - sa patronne - maniaque des toilettes, de Paulo et son hôtel social qui grogne beaucoup mais n’est pas si méchant, finalement…

« Après mûre réflexion, j’ai fait le choix d’attendre et de tuer le temps plutôt que mes convictions. C’est important les convictions. Dans cette vie, c’est parfois la dernière chose qui vous reste. »

Ce second roman de la jeune Leïla Bouherrafa a été présenté comme un roman violent sur l’intégration des personnes étrangères en France. Je ne dirais pas ça. Les événements auxquels Laïla doit faire face sont effectivement violents, mais pas le roman.

L’écriture, le ton, simple, qui peuvent paraître naïfs mais ne le sont pas, sont juste, sincères, poétiques. Le français n’est pas la langue qui convient le mieux à la narratrice, elle le dit et le répète. Elle se force à oublier l’arabe pour mieux s’intégrer mais c’est elle-même qu’elle met de côté. Et cela explique que les mots soient simples. Beaux. Sans fioritures.

Au-delà du parcours de Laïla, c’est tous les parcours de ceux qui rejoignent la France, le pays des Droits de l’Homme, une terre hypothétiquement accueillante mais en réalité dure et sans empathie. Un pays de procédures, d’administration, de règles. Un pays qui est aimé mais n’aime pas en retour. Un pays qui ne respecte pas ses femmes et encore moins celles d’ailleurs. Un pays qui devrait être à la hauteur de sa réputation. Parce que c’est un pays beau et aimable pour ceux qui y sont nés, ceux qui y sont chez eux depuis toujours. Mais c’est un pays qui devrait séduire autant qu’il attend qu’on le séduise.

Une réflexion profonde sur la politique d’intégration des étrangers, ceux à quoi ils doivent renoncer au nom des valeurs de la République. A leur nom, leur langue, leur identité… un livre à mettre dans toutes les mains, surtout celles des partisans du RN qui pensent que tout est si facile pour ceux qui viennent chercher - avant tout - la liberté, l’égalité et la fraternité chez nous…

« Le pouls, c’est comme l’amour. Chacun a le sien. »

« Là d'où je viens, on apprend aux femmes, dès leur plus jeune âge, à ne pas crier. À souffrir en silence, puis à transmettre ce silence, de mère en fille, de génération en génération, comme s'il s'agissait d'un bijou d'une grande valeur… »

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