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Tuer le fils

Benoît Séverac

« La vie était une vacherie bien mystérieuse. »

Le groupe Cérisol du SRPJ de Versailles est chargé de l’enquête sur la mort de Patrick Fabas. A première vue, l’homme s’est pendu et la corde a cassé. Sauf que certains éléments de la scène ne collent pas et poussent les trois flics à investiguer jusqu’à conclure à un homicide. Première étape. La seconde consistant bien évidemment à trouver le coupable.

Mathieu, le fils unique de la victime, vient juste de sortir de prison où il a purgé une peine de 13 ans pour avoir assassiné un homosexuel. Ses motivations : prouver à son père qu’il était un bonhomme, un vrai, malgré son handicap et ce que le vieux pouvait penser. Mais même avec ça, il n’a pas réussi à s’attirer les faveurs du paternel. Il faut dire aussi que le vieux n’était pas un tendre, entre ses motos et ses idéaux fascistes, il trouver le temps de ridiculiser son gamin et de jouer, parier et perdre. 

Cérisol et ses collègues explorent toutes les pistes mais tout de même, l’ancien taulard coche toutes les cases. Et en plus, pendant son incarcération, il y a eu des écrits. Un cahier, sorte de journal intime, est retrouvé chez la victime. Il y est question des mauvais traitements reçus pendant l’enfance, des envies de renouveau, de colère et de déception face à ce père puissant et castrateur. Ajoutez à cela le témoignage d’un auteur au succès mourant qui a animé des ateliers d’écritures à la prison de Poissy et qui y a côtoyé Mathieu et les flics ont tout ce qu’il faut pour les convaincre de la culpabilité du fils. 

Mais les choses ne sont pas toujours aussi simples qu’elles pourraient l’être et les sensibilités des inspecteurs divergent, créant des tensions mais ouvrant d’autres pistes, inattendues et tirées par les cheveux. 

Le gourmand Cérisol, le portugais catholoique Nicodemo et le jeune doctorant Grospierre, chacun avec ses vécus et ses ressentis vont devoir coordonner leurs efforts et confronter leurs conclusions. Pas toujours facile quand la vie privée vient en plus polluer la perception des enquêteurs. 


« L'intuition, ça n'existe pas. Une intuition, c'est un détail que vous avez remarqué sans y prêter attention et que votre inconscient n'arrive pas à oublier. »

 

Ce premier roman de Benoît Séverac que j’ai lu a rempli l’objectif premier que je lui avais fixé : me changer les idées et me plonger dans une enquête retorse. Les personnages de l’auteur sont attachants, chacun avec ses particularités, prouvant - si besoin en était - que les forces de l’ordre sont avant tout composées d’individus singuliers qui, même s’ils ont tous la mission de faire régler l’ordre et de protéger les citoyens, n’en ont pas moins leurs problèmes, leurs vies, leurs difficultés. 

Il y a aussi le métier d’auteur qui est scruté à la loupe, métier difficile tant il est soumis à l’inspiration qui ne vient pas de manière régulière et fulgurante. Dans ces pages, on n’a pas affaire à Stephen King : Botin a peut-être eu un peu de succès mais là, il galère. Et les ateliers d’écriture animés en milieu carcéral sont une façon pour lui de se confronter à du dur, et à trouver dans la vie des autres matière à écrire, qu’il l’admette  ou non.

La narration est fluide, les pistes ne sont pas si nombreuses malgré le profil bien crade de la victime, que l’on apprend à connaître non seulement dans les écrits du fils mais dans les avancées de l’enquête. On ne plaint pas ce vieux con qui a martyrisé son gamin et fait sans doute bien pire, sous inspiration des chefs du IIIème Reich. 

L’auteur - le vrai - nous présente des protagonistes qui ne sont pas des super héros tout beaux tout propres, ce qui les rend particulièrement attachants. Ce ne sont pas non plus des grands écorchés de la vie, ce qui change un peu de ceux qui nous sont souvent présentés. Ils sont des hommes lambdas qui font ce qu’ils peuvent comme ils peuvent avec ce qu’ils ont. Et même si l’enquête en elle-même n’est pas empreinte du plus grand suspense (j’avais deviné qui avait fait le coup bien avant les flics), le meilleur dans ce polar, c’est encore ces portraits, ces hommes, ces parcours. Un bon moment donc, qui remet les pieds sur terre et fait descendre, en douceur, les enquêteurs des romans de leur piédestal


 « Un romancier peut très bien explorer votre âme, entrer en empathie avec vous sans jamais développer la moindre sympathie pour vous. »

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