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Un avenir radieux

Pierre Lemaitre

« La nuit, les durées se dilatent, elles n’ont plus rien de celles qui rythment nos journées. »

Ah ! Les Pelletier, nous les retrouvons enfin, 10 ans après la fin “du silence et la colère”. Nous sommes en mai 1959. Louis et Angèle sont rentrés en France après avoir vendu la savonnerie de Beyrouth, ils se sont installés au Plessis, proche de Paris, dans un grande propriété qui leur permet de recevoir toute la famille le dimanche et offre à Colette, la fille aînée de Jean et Geneviève, un cadre épanouissant. Car après son séjour à l'hôpital Lariboisière, il a paru plus prudent de confier l’enfant à ses grands-parents, ce dont personne ne se plaint. Sauf que Geneviève a décidé de récupérer sa fille de presque 11 ans, au grand damn de Philippe, le cadet. Les astres ont leurs raisons que la raison ignore et l’épouse de Jean a cru comprendre que c’est ce qu’il fallait faire. On ne discute pas les prédictions astrologiques, surtout quand c'est Geneviève qui les interprète ! 

Pendant ce temps, Hélène, enceinte de son second et speakerine à la radio, commence à exploiter la piste des auditeurs : sur un créneau de nuit, elle donne la parole à ceux qui d’ordinaire ne l’ont pas. 

Jean ne se débrouille pas si mal : à la tête de son entreprise Dixie qui connaît une belle croissance, il doit partir à Prague avec une délégation d’entrepreneurs puissants pour voir ce qu’il se fait du côté est, chez les soviétiques, qui ne sont pourtant pas connus pour leur ouverture. Mais c’est François qui est le plus au centre de cette intrigue et qui va une nouvelle fois, involontairement, faire de l’ombre à son frère. 

« Ce qu’il craignait ? que la douleur qu’il ressentait relève de la morale, c'était contre cela qu’il se battait. »

Approché par les services secrets, le journaliste se voit confier la mission de partir lui aussi en Tchécoslovaquie, au prétexte de couvrir le déplacement de la délégation d’hommes d’affaires pour la télévision française. Mais il a une autre mission, bien plus importante sur le plan géopolitique, dont il ne doit parler à personne, pas même à son épouse Nine. C’est un déchirement mais… c’est pour la France. 

Rien ne se passe comme prévu (forcément) et François se retrouve piégé dans une ville, un pays, un régime, dont il ignore tout, et surtout les dangers qu’il encoure. 

Pendant ce temps, Louis, hospitalisé, apprend que son cœur faiblit et la culpabilité le ronge d’avoir failli auprès des siens.


« La confiance n’est qu’un instrument. C’est pourquoi la seule valeur qui compte, c’est la loyauté. »

C’est toujours extrêmement frustrant de devoir faire un retour sur un roman de Pierre Lemaître car il faut faire concis, et donner envie proportionnellement au plaisir de lecture sans rien dire qui puisse gâcher la découverte. 

Que vous dire sinon que, comme à chaque fois, après un démarrage où je me suis vraiment demandée où il voulait m’emmener, je me suis tout simplement laissée prendre par la main, sans chercher à comprendre, juste à savourer. Passer d’un personnage, d’un lieu d’un contexte à un autre, dans une famille aussi disparate que celle des Pelletier, ça pourrait donner le tourni, mais non. C’est aussi agréable qu’un doux tour de manège. Bien sûr, on a toujours nos préférés, ceux pour lesquels on a une affection particulière. Et puis il y a ceux qu’on adore détester, ceux qu’on découvre, ceux qui se révèlent. Parce que dans chaque roman, c’est un des Pelletier qui prend le dessus sur les autres, tout en leur laissant la place d’exister et de nous rappeler qu’ils sont là, qu’ils sont présents, qu’ils ont vécu des choses avant et vivront des événements après, sans que l’on sache lequel sera au centre de la prochaine aventure. 

« Le renseignement est une cour où se mêlent et se croisent, où se nouent et se dénouent toutes sortes d’alliances qui tiennent (...) au narcissisme de chacun. »

Par ailleurs, et c’est important de le souligner, ici on touche du doigt une réalité historique et politique : l’espionnage et le contre-espionnage en pleine guerre froide. Les tractations entre l’ouest et le bloc soviétique, et tout ce que cela entraîne de manigances et de complications. On aborde aussi le début de la radio libre et de la parole donnée aux auditeurs, qui n’est pas sans nous rappeler le très bon roman d’Adèle Bréau “L’heure des femmes”. Enfin, la condition féminine, le poids des croyances (l’astrologie en tête), les pulsions, la loyauté, l’amour, la famille, la vengeance, la folie… Autant de thèmes abordés de façon frontale ou de biais mais qui font tout l’art de l'écriture de Lemaitre : planter, dans un décor historique réel une intrigue aux mille rebondissements, qui a le mérite de nous faire réfléchir, de nous apprendre beaucoup de choses, de susciter de la curiosité et, avouons-le, de nous faire rire…

Dire qu’il va me falloir attendre deux ans avant le prochain ! 


« Tu ne m’as jamais regardé, tu ne voyais que le fils dont tu rêvais, et ça n’était pas moi. »

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