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Un bref instant de splendeur

Ocean Vuong

Il y a un truc avec la poésie brute. Je dois avoir un filtre ou quelque chose de ce genre qui m'empêche sinon de l'apprécier, du moins de la comprendre vraiment. Quelque chose ne passe pas, qui me rend à la fois triste et frustrée face à cette incapacité qui est la mienne d'être touchée par cette écriture.


"Little dog" est devenu un jeune adulte et écrit - sous forme de roman - une lettre à sa maman. Cette mère qui est le fruit d'une rencontre entre une femme forcée à la prostitution et un soldat américain de la guerre du Vietnam. Trois générations dans ce récit, trois souffrances.

Celle de Lan, la grand-mère, rendue schizophrène par les horreurs vues et vécues pendant cette fameuse guerre. Celle de Rose, qui tente tant bien que mal de de joindre les deux bouts au péril de sa santé pour le bien et le bonheur des siens sur le sol américain. Celle enfin du narrateur : petit garçon chétif et chéri, ne parlant qu'un anglais bancal, forcé cependant de faire l'interprète de ses deux aînées. "Little dog" dont on ne connaît finalement pas le véritable prénom parce qu'à Saigon, où il est né, il ne fut appeler les petites choses fragiles que l'on aime que par des mots insignifiants pour éloigner les mauvais esprits.


« Se découvrir encore soi est un réconfort que les hommes qui n’ont jamais été niés ne peuvent pas connaître »

Ce roman est construit comme une suite d'événements sans lien apparent, mais qui laisse comprendre toutes les difficultés rencontrées et parcourues par cette famille victime du système et du racisme dans une ville du fin fond du Connecticut. Ajoutons à cela que "Little Dog" se découvre homosexuel et d'une sensibilité exacerbée et vous aurez une idée de la "splendeur". Et malgré tout, malgré les malheurs, les coups, la violence, l'incompréhension, le jugement, les boulots ingrats, l'armée du salut, le rejet... malgré tout cela disais-je, nos protagonistes trouvent des raisons de se réjouir, de s'émerveiller, de s'aimer encore plus.


Je ne suis pas "sensible" à la poésie brute, mais je suis sensible à la beauté des mots. Et Vuong, qui les étudie, qui les aime, qui les cherche, sait aussi les choisir et les placer pour retransmettre l'imbroglio des émotions et des ressentis.


Cette lecture a été rude et parfois décourageante. Elle m'a renvoyée à mes difficultés, à mes limites, mais elle m'a appris, beaucoup. Je suis partagée entre le plaisir d'avoir appris et voyagé dans le temps et l'espace et la frustration d'être peut-être passée à côté d'encore plus de splendeur…


« Aimer une chose, c’est donc lui donner le nom d’une autre qui vaut si peu qu’elle aura des chances de rester intacte - et en vie »

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