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Une bête au Paradis

Cécile Coulon

« Ne fais jamais de mal à un plus petit que toi. Jamais. Ou tu souffriras par un plus fort. »

Le roman s’ouvre sur une vieille femme, arpentant son domaine, sa ferme. L’ancien enclos aux cochons, la fosse, l’étang. Les bruits des animaux et des gens qui ne sont plus là. Elle a 80 ans, elle est proche de la fin, elle se souvient.

Elle se souvient de sa grand-mère, veuve déjà, qui les a élevés, elle et son petit frère à la mort de ses parents dans un accident de voiture. Elle se rappelle de Louis, le commis, jeune adolescent ayant fui le domicile familial et les coups du père et ayant trouvé refuge, lui aussi, près d’Emilienne.

Elle se remémore le lycée, où elle brillait, avec facilité malgré les tâches de la ferme qu’elle accomplissait en plus de son travail scolaire.

Et au-delà de tout, elle repense à Alexandre. Son amoureux. Celui qu’elle a aimé éperdument et entièrement quand ils n’étaient encore que des enfants. A qui elle s’est donnée, offerte, entière, un jour d’été où on égorgeait un cochon dans la cour.

Lui revient également le départ du jeune garçon pour la ville, pour ses études. Douze années d’absence, de vide rempli par la ferme et ses occupants. Douze années à tenter de se reconstruire avec Emilienne, Louis et Gabriel. Douze années avant le retour d’Alexandre et, avec lui, de l’amour, de la passion, de l’abandon et… je n’en dis pas plus.


« Son visage semblait couler sur sa gorge et sa poitrine. Son corps, seul, aurait su tenir debout : mais à l'intérieur, son âme entière, son âme faite de tous ses âges, de toutes ses expériences, implosait. »

Cette lecture a été plus laborieuse que les précédentes, mais en même temps, c’est le début des vacances, il y a du sommeil à rattraper, beaucoup de monde, beaucoup de bruit et - comble de l’ironie - moins de temps pour lire.

La plume de Cécile Coulon transporte dans un lieu qui porte un nom chargé de sens et d’attendus. Le Paradis. Où est ce Paradis ? On ne sait pas, mais ce n’est pas grave, puisque c’est un endroit à part, un endroit qu’il faut mériter. La force de l’écriture, c’est la description. Pas longue et rébarbative, non, mais précise, directe, presque chirurgicale. On est dans cette ferme, dans cette pièce, dans ces draps. On est dans ces cœurs et dans ces esprits. On aime avec Emilienne, on enrage avec Louis, on a peur avec Gabriel et on est déterminé et courageux avec Blanche.

Quelques passages font froid dans le dos. Normal quand on ne connaît pas la souffrance à l’état pur. Et c’est heureux. Mais d’autres sont doux et confortables, réconfortants.

On aime la famille que Cécile Coulon nous présente et nous offre. Même Louis, qui est le commis, fait partie intégrante de ce microcosme qui, grâce aux drames vécus, se crée, se nourrit, se renforce. Par le respect et l’amour discret.

Même si, je me dois de l’avouer, ce n’est pas la lecture de l’année, cette bête au Paradis transporte et impressionne par sa force. Elle montre que la ténacité, la pugnacité, l’amour peut venir à bout de tout, nous emmener aux limites du Paradis sans nous en faire sortir.


« Il arrive, parfois, que les choses aillent à leur propre vitesse, sans se soucier de ceux qui sont blessés, ou de celles qui le seront bientôt.»

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