Jeanine Cummins
Après la claque d’American Dirt, il me tardait de retrouver cette auteure prometteuse dans ce récit plus personnel et plus intime.
« … la cour suprême des Etats-Unis a autorisé l’utilisation de la ruse et de la tromperie dans le cadre (d’un interrogatoire)...»
En avril 1991, les Cummins vont passer les vacances dans leur famille à Saint Louis, Missouri. La veille du départ, Tom, l’aîné de la fratrie, retrouve ses cousines Julie et Robin en cachette et ils se rendent tous les trois sur le Old Chain Rocks Bridge. Ils savourent les dernières heures ensemble, n’imaginant pas que ce seront les dernières heures des deux sœurs. Quatre jeunes hommes croiseront leur route pour le pire : Tom assistera aux viols puis aux meurtres de ses cousines avant de lui-même se jeter dans les eaux tumultueuses du Mississipi. Quand enfin il trouvera les secours, il sera accusé du double homicide et traîné dans la boue, autant par les forces de l’ordre que par les médias, avant que les véritables criminels ne soient arrêtés et condamnés. Le calvaire de la famille des victimes durera une bonne dizaine d’années, et c’est en 2004 que Jeanine Cummins se décidera à mettre en mots les terribles épreuves que le clan a traversé pendant toutes ces années.
« La pire chose que peut jamais faire un oppresseur à une victime est de lui inspirer une telle haine que la victime devient capable du même genre de monstruosités que celles qui l’oppressent…»
Si American Dirt était un roman prenant aux tripes et parfaitement bien documenté, ce récit l’est encore plus. Parce que ce que l’auteure raconte, elle l’a vécu de l’intérieur, intimement, violemment.
Le style d’écriture est à la fois plus naïf et plus percutant car il reflète une jeunesse, une émotion, une implication personnelle forte et poignante. On devine à de nombreuses reprises à quel point il a dû être difficile pour les différents protagonistes de (re)vivre les évènements de 1991, jusqu’à 2001. Partagés entre l’angoisse de voir Tom accusé du meurtre et la peine inconmensurable d’avoir perdu dans des circonstances tragiques deux de leurs cousines/ soeurs/ filles/ nièces, tous les membres de cette grande famille ont su rester forts et unis dans la douleur.
C’est aussi une occasion de réflexion profonde sur les convictions que l’on pense avoir tant que l’on n’est pas confronté à de tels drames : être pour ou contre la peine de mort par exemple est parfaitement abstrait tant qu’on y est pas confronté. Se pencher sur les criminels est peut-être naturel mais les victimes directes et indirectes sont souvent oubliées au dépens des meurtriers qui prennent toute la place. Les méthodes d’investigation et d’interrogatoire des suspects peuvent laisser à désirer si les policiers ne sont pas bien formés ou motivés. Et enfin, le rôle des médias peut être dévastateur pour ceux qui restent et qui subissent de plein fouet le harcèlement de ceux qui se disent au service de l’information quand il ne s’agit en fait que de faire de l’audience et donc de l’argent.
C’est un livre qui n’a pas été facile à lire, mais qui doit l’être car il pose des questions qui me paraissent essentielles pour grandir, faire face à ses contradictions et réfléchir autrement.
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