Mona Messine

« Même en ayant la vie la moins intéressante du monde, il est très difficile de ne pas penser au néant, alors que pour les célébrités, c'est l'inverse, tout passe et tout s'oublie. »
Roxane. Jeune femme issue d’un milieu modeste, si modeste qu’elle rêve en grand. Et la réalisation de ses espoirs passe par Chéri. Il est le fils de. Un héritier. Un bon parti. Mais épouser un homme, c’est aussi épouser sa famille, et la famille de cet homme, c'est Monsieur et Madame. Élus dans une grande mairie de la proche région chic parisienne. Propriétaires de multiples résidences, dont la Villa Bergamote, sur l’île de Saint Marlin, dans les Caraïbes. Cette villa dont va tomber follement amoureuse Roxane, plus que de Chéri d’ailleurs. Et cette demeure princière, on la lui offre en cadeau de mariage. A elle, oui, la petite chose venue de rien. Alors elle va assister, accepter sans un mot toutes les tractations, toutes les magouilles, tous les complots dont elle va être témoin pendant des années : Monsieur et Madame recevant des journalistes, des célébrités, des personnalités politiques dans le dos desquelles ils planteront ensuite un couteau. Les fraudes fiscales, les malversations, les détournements de fonds publics, les corruptions.
La justice ouvre les yeux, s’intéresse à leur cas, ils trouvent la parade, entourés de leurs fidèles conseillers. Et Roxane est mouillée, forcément, elle est leur bru, et, sans leur savoir, leur alibi : après tout, la Villa lui appartient… Quand enfin elle ouvre les yeux et se décide à prendre son envol, elle se rend compte de l’emprise qu’a eu sur elle cette famille, ce couple, cette maison splendide, synonyme pour elle d’élévation sociale et d’amour, plus que ses enfants qui se révèlent être les maillons qui l’enchainent à ce couple, à cette famille, avide d’argent et de pouvoir…
Ça vous rappelle quelque chose ? C’est normal…
« La fiction n'est pas un mensonge, elle est une tentative de saisir la réalité, mais parfois l'on se trompe, on choisit la mauvaise réalité. »
Je pensais faire succinct pour ce retour et finalement, force est de constater que j’ai des choses à raconter sur ce court second roman dans lequel j’ai été malmenée, non pas tant par son contenu que par sa forme. Les phrases alambiquées, construites à la Yoda, m’ont souvent dérangée, mais ce qu’elles ont à raconter est à la fois passionnant et extrêmement dérangeant, car elles reflètent à la fois d’une vérité nébuleuse et de l’état d’esprit dans lequel se trouve Roxane : perdue aux premiers contact, dépendante dans le mariage, piégée dans cette famille qui ne laisse rien au hasard et ne supporte pas de voir son emprise diminuer, son prestige se ternir, son pouvoir de diminuer, sa fortune mal acquise d’être perdue. Tous les coups sont permis, surtout les plus bas.
Roxane n’est qu’un pion, manipulée par ce couple de joueurs d’échecs. Elle est perdue et nous avec. Et je pense, avec le recul, que c’est aussi ce qu’il faut retenir de cette écriture si particulière, de ce parti pris du désordre, du choix de ne pas donner de nom mais suffisamment d’indices pour qu’on sache de qui il s’agit, en vérité. La dénonciation du système politique est bien présente, tout le mal que Monsieur et Madame se sont donné pour construire leur empire de pacotille et leur image de couple soudé, dans la réussite comme dans les épreuves. Madame est la plus teigneuse, la plus revêche, la plus sanguinaire, mais Monsieur n’est pas en reste, à faire régner la peur sous son grand sourire et ses ses gros cigares.
Portrait au vitriol d’un couple qui a tout fait pour se faire aimer (et qui a réussi) mais qui a finalement été rattrapé par la justice. Tableau d’une femme fragile qui trouve dans la vengeance la force de tout déballer, de tout dire et de faire émerger ce qu’ils n’avaient pas soupçonné qu’elle possédait : son intelligence.
« Ceux qu'on pense avoir épousés ne sont d'aucun secours face à leur famille. »
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