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La Volonté

Marc Dugain

Début septembre, une émission de "la Grande Librairie" consacrée à la paternité, au lien avec le père. Parmi les invités, Sorj Chalandon, Amélie Nothomb et Marc Dugain. Ce dernier dégageait quelque chose de si puissant en parlant de son papa qu’il ne m’a pas laissée indifférente.

« La bible encourage ses lecteurs à la domination du monde dès les premières lignes. Ceux qui l’ont écrite au cours des siècles ont consacré la sédentarité, le droit de propriété qui en découle, et l’exclusion morale du nomadisme (...) Les chrétiens sont partout chez eux, là où la civilisation doit s’imposer. L'œuvre civilisatrice est le prétexte au vol et à la spoliation. »

Au lendemain de la première guerre mondiale, un couple se marie. Il est marin, elle s’occupe des enfants qui naissent. Le second conflit éclate alors qu’il est en mer, elle doit subvenir aux besoins de ses deux fils et de sa fille. Les garçons sont brillants, ils sont promis à un grand avenir. Mais l’aîné contracte la polio, qui le laissera invalide : il a perdu l’usage d’une de ses deux jambes.

Il ne lâchera rien, se donnera tant que possible dans ses études, dans la petite résistance, puis dans son mariage, sa réussite professionnelle et l’éducation de ses enfants. Toujours cette volonté de faire oublier son handicap, de repousser les limites que les autres pensent être les siennes. Conscient que l’empire colonial est sur le déclin, il décide de quitter la métropole tant que c'est possible et part avec sa femme enceinte, d’abord en Nouvelle-Calédonie puis au Sénégal. Dix ans à arpenter les terres, à les étudier, tout en encourageant son épouse à avoir une carrière à elle et en étant présent pour ses deux fils.

Le retour en France, au milieu des années 60 n’est pas évident mais il ne lâche rien, persuadé qu’il est capable de grandes choses. Il est juste désarmé par la conscience grandissante que ses enfants ne sont pas comme lui, ne suivront pas forcément ses traces. Il est perdu mais persévère, même quand le cadet sombre dans la décadence suivant les évènements de mai 68.

« La science, la technologie, l’industrie asservissent la nature à leurs besoins en plongeant l’individu isolé dans l’ignorance de son environnement et dans une solitude croissante. »

Ce père qui n’a pas de nom (comme aucun des protagonistes de la famille) est la volonté réincarnée. Il est le courage, l’ambition, la pugnacité. Et il aura fallu des années de rébellion puis de réflexion pour que son fils cadet, Marc Dugain donc, arrive enfin à le comprendre, à l’aimer, à l’admirer.

Il apparaît pourtant dès les premières pages que ce fils voue un culte à son père, qui l’accompagne malgré la mort dans ses choix, dans sa vie et dans l’éducation qu’il donne à ses propres enfants. Ce père et son fils nous rappellent à quel point on peut être les descendants de héros du quotidien, de grands hommes ignorés et pourtant inoubliables, admirables.

Une ode et un hommage à lire et à réfléchir pour se rendre compte - si besoin est - de la chance que c’est d’être l’enfant de son père.

« …pour cet être qui a perdu la foi, l’esprit survit grâce aux enfants, qui le feront perdurer à leur tour dans ses croyances et dans ses valeurs. La transmission, c’est la seule postérité qui vaille. »





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