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Le cercueil de Job

Lance Weller


« Ton nom, c'est ton nom, et qui tu es et ce que tu es, c'est qui tu es et ce que tu es, un point c'est tout. Peut-être que tu peux changer ton nom, mais (...) à la fin, t'es toujours ce que t'étais au début ».

Après un détour dans une lecture d'éditeur (pour laquelle je ne peux pas publier de retour), je me suis plongée dans ce roman, un nouveau récit concernant la situation des esclaves aux USA. C'est décidément un sujet qui me passionne et dont j'ai du mal à me lasser, tant il y a à apprendre.


L'intrigue se déroule sur une période d'un peu plus de deux ans, lors de la guerre de Sécession. Ce sont deux vies qui se croisent.

D'abord, il y a Bell Hood. Jeune esclave en fuite du domaine de Locust Hall, marquée dans son corps et dans son âme. Après avoir été mutilée, elle a dû aider à la pendaison de son propre père. Trop de douleurs, trop de méchanceté, trop de violence... mais pas assez pour éteindre la lumière qu'elle dégage. Elle est accompagnée dans sa fuite par deux hommes successivement : Dexter d'abord et January June ensuite. Ils seront tous deux touchés par la grâce de la gamine qui rayonne et motive, sans rien faire d'autre que sourire.

En parallèle, il y a Jeremiah "Joe" Hoke. Soldat de l'armée du Sud par défaut plus que par conviction, il est gravement blessé aux deux mains lors de la bataille de Shilton. Sauvé et hébergé par un couple de paysans, il prend lui aussi la fuite. Son passé, ses souvenirs, ses actes, son identité même : il ne sait plus vraiment qui il est, mais il sait qu’il doit être pénitent. Il sait aussi qu'il n'aura pas droit au pardon, alors il continue sa marche.

Les routes de Bell et de Joe se croiseront, forcément. Dans un contexte historique rude et sur un territoire aussi grand que le Sud des Etats-Unis, ça parait improbable, mais improbable n'est pas littéraire.


« Hoke avait toujours pensé qu'il était né sous une mauvaise étoile, alors il passait pas mal de temps à observer le ciel pour en trouver une meilleure à laquelle il pourrait accrocher tous ses espoirs. »

Lance Weller nous plonge à la fois dans l'horreur de la guerre de Sécession et dans la réalité de la condition des noirs aux USA à cette période troublée et floue tant sur leurs droits que sur leurs statuts. Le nord n'était pas toujours le paradis dont ils avaient rêvé et la réalité s'avérait toujours pleines de surprises, pas toujours bonnes, pas toujours mauvaises.

L'écriture est fluide et bien documentée, ce qui donne à toutes ces affres une poésie à laquelle on ne peut que céder. Malgré la brutalité des faits, il reste la poésie des mots. Malgré les incompatibilités de conviction, il reste la chaleur des liens humains. Et je dois l'avouer, malgré les scènes de batailles, il restait le chemin de Bell, les rencontres de Hoke, le passé de January June. Et l'Histoire, bien sûr. Les décisions de Lincoln et leurs conséquences, les destins des individus, noirs ou blancs, esclaves ou affranchis, nordistes ou sudistes.

Un beau moment de lecture, avec quelques longueurs mais tellement de délicatesse que le souvenir restera doux.


« Elle donnait l'impression (...) d'être une personne qui se retrouve finalement acculée à la frontière de ce qu'elle considérait certainement comme la vieillesse, mais qui possède suffisamment de ressources en elle pour retarder le franchissement de cette frontière encore un peu. Mais juste un peu »

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