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Les étoiles les plus filantes

Estelle-Sarah Bulle

Sentiment mitigé que me laisse au cœur ce roman de la #rentreelitteraire2021, sélectionné par une médiatrice intervenant sur ma bibliothèque d’ici quelques jours.

L’action se situe à la fin des années 1950. Aurèle Marquant, réalisateur français de petite envergure, et son épouse Gipsy Dust, américaine d’une vingtaine d’années se lancent dans un projet délirant et ambitieux : adapter le mythe d’Orphée dans un film réalisé dans les rues de Rio, entièrement interprété par des acteurs noirs, si possible non professionnels. La musique étant un personnage à part entière de l’œuvre, les meilleurs musiciens et poètes sont également embauchés. De difficultés de financement en relations conflictuelles entre actrices, l’auteure retrace toute la production du long métrage, du repérage des lieux à la consécration à Cannes, en 1959.

Au milieu de ce remugle et de cette folie cinématographique, d’autres enjeux sont dévoilés tels que les relations internationales du Brésil avec le reste du monde et notamment les USA au moment de la chute de Cuba dans le communisme. Les difficultés sociétales des habitants de Rio et les conditions précaires des résidents des Favelas ; l’appropriation culturelle et la condition des noirs un peu partout dans le monde, le tout parsemé d’espionnage et de maccarthysme…

« Un pays qu’elle-même avait fui, car, en y demeurant, elle serait devenue malade d’injustice. Elle se serait consumée dans la fournaise de la haine, aurait retourné contre elle-même la lame acérée du racisme triomphant et après quelques pas, se serait écroulée, écorchée vive. Son pays ne l’aimait pas mais elle en faisait indéniablement partie »

Il y a eu des longueurs, vraiment. J’ai cru, à un moment, que je n’arriverai jamais à sortir de Rio, et j’ai eu parfois du mal à me repérer dans le « who’s who » des très (trop) nombreux personnages. Il y a, à mon sens, beaucoup de digressions qui ne servent pas le roman à proprement dit. Alors que j’étais avide de savoir comment allait avancer le tournage et comment se positionnerait Gispy, l’héroïne non seulement du film mais aussi du roman, Bulle m’a parfois semée dans des détours à base d’espionnage, de manipulation politique, d’états d’âme d’hommes influents et de construction d’une ville sortie du néant (Brasilia).

« Voilà ce que c’était la mort de l’amour (...) : la fin d’une série de petits rituels qui permettent de faire face à la violence du monde »

Ce n’est qu’une fois le roman terminé et la réflexion entamée pour la rédaction de ce CR que j’ai commencé à réaliser à quel point tout cela avait d’intéressant. Outre le fait que le film “Orfeu Negro” est un vrai film, connu, reconnu, primé à Cannes, aux Oscars, aux Golden Globes et j’en passe, il a également été un rouage dans la machine géopolitique qui tournait à l’époque de la Guerre Froide (glaciaire même) et des luttes de pouvoirs entre capitalistes et communistes. La culture en général et le cinéma en particulier ont été des éléments clés, importants dans les relations entre les différents pays du monde, participant à la toute puissance américaine. Cette période est désormais moins floue pour moi car Bulle a su insérer dans son roman des données simples mais essentielles pour bien se situer.


Je vais regarder ce film de Camus, que je pense voir différemment grâce aux lumières de ces étoiles filantes qui n’ont pas brillé longtemps mais suffisamment pour créer ce que d’aucun appellerait un chef d'œuvre.


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