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Comment aimer sa fille

Hila Blum

« La vie est toujours une longue convalescence de l'enfance. »

Une auteur inconnue, un titre qui interpelle. Manque-t-il ou non un point d’interrogation ? C’est ce que nous allons voir… 


« il faut plusieurs années pour réussir à regarder ces albums d'enfance, et distinguer la façon dont notre amour pour nos enfants floute la réalité… »

Tout commence dans une petite rue de Groningen, aux Pays-Bas. Une femme à l’âge indéterminé regarde deux petites filles jouer. Ce sont ses petites filles. Mais les gamines ne la voient pas, ne la regardent pas. Et même si elles le faisaient, elles ne la reconnaîtraient pas. Yoëlla a traversé l’Europe, depuis Jérusalem, pour retrouver sa fille Léa, qui a quitté le domicile familial depuis 10 ans maintenant. 

Tout au long de ses recherches, elle s’est demandé ce qu’elle avait fait pour mériter de perdre celle qu’elle aime plus que tout au monde, plus que sa vie-même. Elle remonte dans le passé, nous raconte Léa bébé, Léa enfant, Léa adolescente. Petite fille devenant grande, toujours si studieuse, si loyale, si proche de ses parents en général, de sa mère en particulier. 

Yoela, que la dépression a frappé quelques fois dans sa vie, a puisé dans sa maternité la force de ne pas sombrer. Elle s’est attachée à être une mère à la hauteur de son enfant si extraordinaire, et s’est émerveillée de la voir grandir, s’épanouir, tomber amoureuse et s’épancher. Élève studieuse, Léa s’est quant à elle donné énormément de mal pour être à la hauteur des attentes et des espérances, des fantasmes de sa maman. Elle devait mériter sa place de fille unique, à plus d’un titre. Car oui, Léa est unique, et elle porte cette singularité comme un fardeau, jusqu’à ce qu’elle puisse le laisser à Jérusalem et fuir pour  faire sa vie loin des attentes de sa mère.  


« je savais que l'amour maternel pouvait être sauvage, effréné, mais je n'avais pas compris l'épopée de l'amour quotidien.  Et puis je compris. »

Présenté succinctement lors d’une rentrée littéraire, ce roman m’avait attiré par son titre et le lien entre Israël et les Pays-bas, autant que par la connexion entre une mère et sa fille. Qu’est-ce qui a poussé Léa à fuir ? À quitter sa mère et son pays ? Au fur et à mesure des pages et des chapitres, on se laisse prendre dans les filets de Yoëlla et de son amour dévorant pour Léa. Des sacrifices qu’elle a consenti à faire, des efforts qu’elle s’est imposés, de la joie et de l’amour qui l’ont inondée à chaque étape de la vie de son enfant. Léa, enfant sérieuse et studieuse, enfant prodigue, s’est lovée dans cet amour et cette exclusivité, elle est partie, oui, mais peut-être sa mère l’aimait-elle trop ? Trop fort ? 

La narratrice se pose des questions sur ce qu’elle a fait, comment elle l’a fait. Comme toutes les mères du monde, elle n’avait pas de notice pour la maternité, elle a fait ce qu’elle a pu comme elle a pu, en doutant, en culpabilisant, en se donnant entièrement à son rôle de mère. Léa est partie. Léa est-elle ingrate ? Yoëlla a-t-elle étouffé sa fille de trop d’amour ? Il est impossible de répondre à cette question. En tant que parent, on ne peut que s’interroger sur nous-même, sur notre parentalité, sur notre capacité à préparer et à accompagner ses enfants dans la vie, pour la vie. Prendre un peu de ce que l’on a reçu soi-même et le redonner, assaisonné à notre façon, en faisant de notre mieux pour ce que nous avons de plus précieux. 

J’ai aimé profondément ce roman qui m’a interpellée et m’a bousculée dans mon rapport à ma propre fille. 

Comment l’aimer ? Il n’y a pas de réponse et personne ne peut me dire ce que demain nous réservera. Mais comme Yoëlla, je fais de mon mieux. Et comme Léa, Gabrielle fera ses choix, que je ne pourrai qu’accepter… C’est peut-être comme ça qu’il faut aimer sa fille, finalement, en acceptant…   


« Ma fille faisait déborder mon cœur et j'étais obligée d'écoper un peu de mon amour, un tout petit peu, pour pouvoir continuer. »

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