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Et on tuera tous les affreux

Boris Vian

Une nouvelle phase Vian m’a envahie. C’est récurrent depuis 20 ans, ça me prend de temps en temps. Et je me laisse gagner avec bonheur et délectation.


« ... il y en a qui remercient Dieu, je sais... mais entre nous, je trouve qu'ils mêlent Dieu à des histoires auxquelles il n'a réellement rien à voir.»

Rock est bel homme. Très bel homme. Mais il s’est juré de rester vierge jusqu’à ses 20 ans. C’est assez difficile, mais il tient le bon bout : plus que six mois à attendre.

Sauf qu’un soir, il est drogué et enlevé. Il se réveille nu comme un ver dans une pièce inconnue et rejoint par une femme magnifique, en tenue d’Ève également et qui a d’autres idées en tête que de jouer au Scrabble… Notre héros se refusant à elle, il fait l’objet d’expériences ayant trait à son anatomie puis libéré, laissé inconscient sur un bord de route. Il y est ramassé par un taxi fort sympathique qui lui sera plus tard d’une grande aide, lorsque Rock se retrouvera mêlé à une histoire de meurtre, d’enlèvements, d’expériences et d’eugénisme… de fil en aiguille, on remonte la piste d’un trafic de chair humaine fabriquée et mise en circulation en vue de purifier l’humanité, de l’embellir en la peuplant de gens tous plus beaux les uns que les autres, avec de surcroit des libidos défiant toutes les limites…


« … les aiguilles de ma montre ne savent pas ce que c'est que l'amour et je dois leur obéir.»

Vian/ Sullivan s’est donc essayé à une sorte de dystopie visant à dénoncer le culte du beau. Ou pas. Il est difficile de savoir quelles étaient réellement les intentions de l’auteur, il n’est plus là pour en parler. Mais ce qui est sûr, c’est qu’on est très loin de la poésie amoureuse de L’écume des jours et que le sujet du livre est traité avec bien plus de légèreté que celui du racisme dans J’irai cracher sur vos tombes. Humour, sexe, musique et bagarre. Beaucoup de sexe et de bagarre. Trop? Je ne saurais dire, autre temps, autre mœurs et Boris/ Vernon avait une réputation sulfureuse à tenir.

Il n'empêche. Sous ses airs de roman facile et léger de série B, il y a un vrai sujet de réflexion quant au culte du beau. Les idées du docteur fou font peur car elles sont encore d’actualité, tant d'années plus tard. Même si on nous encourage à voir que la vraie beauté vient du cœur, l’essentiel est invisible aux yeux (merci St Exupéry), il n’en reste pas moins que si nous ne répondons pas à des caractéristiques physiques, notre valeur aux yeux de la société est amoindrie. Il nous faut être beau, répondre à des critères et entrer dans des cases.

Ainsi, le magnifique Rock, Mister Los Angeles de l’année précédente, est invité à la purification . Après y avoir réfléchi (parce qu'il est humain, il n'est de prime abord pas offusqué par l'idée de tuer tous les affreux), il refuse de s’y soumettre, constatant à quel point les affreux sont nécessaires pour l’équilibre…

C’est avec une certaine naïveté et des mots simples que Vian nous rappelle à l’ordre : tout le monde à sa place dans la société et le plus affreux des affreux est beau, parce qu’on est tous le beau de quelqu’un…


« Il vaut mieux être déçu que d'espérer dans le vague.»
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