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Histoire de son serviteur

Édouard Limonov

Un livre en emmenant un autre, c’est tout naturellement qu’après avoir lu l’ouvrage qu’Emmanuel Carrère a consacré sur ce « poète » russe, je me suis décidée à découvrir une partie de l’œuvre de ce dernier. Le seul disponible à la bibliothèque étant « l’histoire de son serviteur », le choix était vite fait.


La lecture de ces quelques 312 pages n’aura pas été un long fleuve tranquille, loin s’en faut. Et heureusement, il ne s’agit pas ici de poésie, n’étant pas tellement sensible à cette forme d’expression. Non, ici, c’est un retour sur les trois années que Limonov a passé au service d’un homme d’affaire américain, Steven -Grey, en tant que majordome, à New-York. Édouard nous raconte comment, après plusieurs années de vaches maigres en Russie et aux USA, il a rencontré Jenny, alors au service de Steven Grey. Les deux entretiennent une relation plus ou moins amoureuse jusqu’à la rupture, en bonne entente. Tellement bonne entente que la gouvernante propose à son ami de reprendre sa place. Le millionnaire, trop heureux de s’offrir les services d’un poète, russe de surcroit, accepte.


Édouard est un domestique volontaire, consciencieux, serviable et servile. En apparence. Dès que le maître des lieux a le dos tourné (ce qui arrive assez souvent), il profite du luxe de la grande demeure et des avantages de la position qu’il a. Il nous explique donc, avec force détails, tous les excès et les péchés auxquels il s’adonne sans scrupule. Drogue, un peu. Sexe, beaucoup. Trop. Avec des détails dont on se passerait bien, à dire vrai. Sale et sans sentiment. Mécanique et avilissant pour ses partenaires. Ajoutons à cela quelques remarques qui faisaient peut-être bien à cette époque mais qui dérangent 40 après sur la sexualisation de gamines de 16-17 ans. Bref, elle est loin l’image du poète nostalgique et romantique.


Lui, le poète, l’être supérieur, celui qui souffre, celui qui sait, celui qui surplombe tout et tout le monde dit se battre pour la publication de ses livres mais attend, simplement, que son agent fasse le boulot. Il dédaigne les éditeurs qui refusent de le publier, se voit déjà briller mais ne fait rien pour… un peu comme ceux qui, le cul sur leur canapé, rêvent de richesse mais ne font rien pour l’obtenir.


Autant Carrère avait brossé le portrait d’un homme volontaire, ayant traversé le pire, se relevant après chaque déroute avec l’envie et la détermination liée à son ambition. Mais là, ce n’est pas la pire des épreuves qu’il soit, et le soviétique de se lamenter encore et toujours de sa position de larbin, position qu’il a choisie, qui lui offre confort et sécurité mais qu’il dénigre à qui mieux mieux.

L’histoire alterne cependant entre des moments vraiment passionnants et d’autres d’une ingratitude sans borne, où on se demande si on lit vraiment un poète ou un obsédé sexuel.


Il est assez clair, je pense, que je n’ai pas été séduite par ce récit qui m’a souvent laissé un arrière-goût aigre.

Je vais rester sur l’idée que Carrère m’a construite, qui certes n’était pas extraordinaire, mais peut-être aussi et surtout parce que la personne même de Limonov ne m’inspire pas le respect qu’il a inspiré à d’autres

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