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L’hibiscus pourpre

Chimamanda Ngozi Adichie

« Donne-moi et la richesse et un enfant, mais si je dois choisir entre les deux, donne-moi un enfant parce que quand mon enfant grandira, ma richesse fera de même. »

Kambili, 15 ans et Jaja, 17 ans, sont sœur et frère. Leur père est un Homme puissant, à la tête de plusieurs usines et d’un journal d’opposition. Mais il est surtout un chrétien fondamentaliste qui fait régner sur sa famille les rites catholiques les plus extrêmes, une discipline de fer et une peur inavouée. Les enfants et la mère se doivent d’être exemplaires pour éviter qu’Eugène les punissent pour les remettre dans le droit chemin. Et aucun ne dit rien, aucun ne se rebelle, tous suivent la parole du père comme celle du Père. 

Jusqu’à ce qu’un séjour à Nsukka, chez Tante Ifeoma, la petite sœur d’Eugene, n’ouvre les yeux des enfants à une autre vie, d’autres possibles. Des dîners pleins de rire et de discussion, une pratique plus joyeuse et moins punitive de la religion, une acceptation de la différence et des traditions qui permettent le maintien du lien familial, notamment avec leur grand-père qui ne s’est jamais converti au christianisme. Ce temps passé dans un autre environnement permet aux enfants d’ouvrir les yeux, de se rendre compte qu’il existe autre chose, que l’on peut sourire et rire. Aimer et se disputer sans faire souffrir, se respecter. Pour Jaja, c’est la découverte du travail de la terre et la remise en question de l’autorité paternelle. Pour Kambili, c’est les premiers émois, l’apprentissage du libre arbitre, le début de l’affirmation de soi. 

Ces changements chez les enfants ne sont pas sans conséquences et ces dernières sont terribles, confirmant la cruauté de celui que tout le monde considère comme un saint homme. 

Qui douterait de la douceur de ce grand donateur, grand chrétien ? Qui pourrait deviner ce qu’il fait subir aux siens au nom du seigneur ? Dans le Nigeria de 1995 ravagé par une situation politique catastrophique et chamboulé par un violent coup d’état, c’est toute une famille qui s’écroule et qui devra trouver la force de ne plus se laisser dominer…


« L'esprit de rébellion est comme la marijuana : ce n'est pas mauvais quand on l'utilise comme il faut. »

C’est par hasard - dans une librairie au Sénégal - que je suis tombée sur ce premier roman de l’auteure de Americanah, ouvrage que j’avais dévoré il y a quelques années. Je n’ai pas hésité longtemps avant de partir au Nigeria avec Kambili.

Chimamanda Adichie trouve les mots justes pour décrire le Nigeria du milieu des années 90, dans un climat politique tendu et une situation sociale désastreuse. C’est dans ce contexte qu'évoque la famille d'Eugène, une famille extrêmement riche financièrement mais pauvre d’émotions et d’amour véritable. C’est le portrait glaçant d’un homme que la foi aveugle, que les évangiles éloignent des siens. Un patriarche qui veut tout régenter et rejette tout contact avec ceux qui refusent de se convertir ou qui ne sont tout simplement pas suffisamment pieux pour lui. Plus extrémiste que les missionnaires et les prêtres, il fait régner la terreur sur son foyer au nom de dieu, se cachant derrière sa foi pour justifier les maltraitances, les coups, les punitions, la peur. 

Voici un roman à la double leçon : une leçon d’Histoire, l’Histoire du Nigeria, de ses coutumes et de ses péripéties politiques, qui ont entraîné jusqu’à l’exclusion du Commonwealth et la condamnation par les Nations Unies suite au coup d'État et aux assassinats de 1995. Mais c’est aussi un enseignement sur les dangers de la religion. Sur les extrêmes qu’elle peut revêtir et faire commettre à ceux qui ne voient en elle qu’un dogme régenté par la peur et la punition, qui oublient que dieu est avant tout amour et pardon. 

Une lecture dure dans ce qu’elle dénonce et met en lumière : la cruauté au nom d’une chimère. Oui, je dis une chimère, puisque je ne peux croire que tous ces grands principes punitifs soient de véritables enseignements à suivre… la foi d’abord, les hommes ensuite ? N’importe quoi !


« C’est ce qui arrive quand tu restes sans rien faire devant la tyrannie : ton enfant devient ce que tu ne peux pas reconnaître. »

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