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Le bâtard de Nazareth

Metin Arditi

« C’était non seulement le prochain qu’il fallait aimer, mais le lointain. Tout le monde. Chaque être humain »

Un petit garçon de 5 ans grandit à Nazareth, entouré de son père Joseph et de sa mère Marie. Personne ne veut jouer avec lui, personne n’adresse la parole à la maman. Tout le monde s’écarte et détourne le regard. Excepté Samuel. Mais Samuel est contraint par sa propre mère à passer du temps avec le petit Jésus, ce mamzer. Parce que l’enfant n’est pas de Joseph. Bien que le vieil homme aime, éduque et accompagne le garçon, ce n’est pas son fils biologique. Marie a été abusée par un Romain de passage, et Joseph a épousée la jeune femme pour lui éviter trop de déshonneur.

Quand l’enfant l’apprend, c’est un choc. et c’est d’autant plus difficile à accepter que ses parents sont des gens biens, des personnes aimantes et respectueuses. Le temps passe, Jésus apprend les textes. Et de son apprentissage, il retient que le premier des commandements est d’aimer son prochain. Alors pourquoi ses parents et lui ne sont-ils pas aimés ? Pourquoi le bannissement, la honte, le rejet ?

Les années continuent de s’écouler dans la même incompréhension. Et dans une forme de rébellion. Charpentier comme l’était son père, Jésus est aussi guérisseur. Il soigne tout le monde, sans distinction. Il trouve l’amour, en la personne de Marie de Magdala et rencontre d’autres prêcheurs, qui comme lui sont rejetés à cause d’une faiblesse qui n’en n’est pas vraiment une. C’est Judas qui va changer sa destinée, et celle de l’Histoire.


« Était-ce leur faute, aux sourds et aux lépreux, s’ils étaient malades ? (...) Penses-tu sérieusement, rabbin, que je pourrais être la cause d’un affaiblissement physique de notre peuple, parce que je suis un mamzer ? »

Une nouvelle histoire de Jésus, une énième interprétation du passé et de la vie du prophète. On en a lu, on en lit, on en lira. Et on continuera d’aimer cela. Parce que c’est une théorie intéressante et qui tient la route que nous propose Metin Arditi.

Rejetant l’idée magique du Fils de Dieu, il fait de Jésus un enfant différent des autres non par sa sacralité mais par le fait qu’il est un bâtard. Il n’est pas le fils de Joseph. Et si l'on se réfère aux textes sacrés on ne peut donner tort à l’auteur ! Fruit d’un viol, l’enfant n’en est pas moins aimé et respecté par ses parents, il n’en est pas moins intelligent et brillant, réfléchi, colérique même parfois. Bref, il est humain.

J’ai aimé cette version de l’histoire, j’ai aimé le traitement romancé du destin de celui par lequel tout a changé. J’ai aimé qu’il soit quelqu’un de simple, de normal, d’accessible. J’ai aimé surtout qu’il remette en cause des principes sacrés et qu’il souligne l’hypocrisie de sa religion.

Malheureusement, cette fausseté, ces mensonges, je les retrouve aujourd’hui dans l’Eglise qui prône l’amour inconditionnel mais qui rejette ceux qui sortent des commandements.

Dans ce roman court et percutant d’Arditi, à la fois romancé, romantique et bien documenté, on entrevoit la supercherie possible et plausible, la manipulation des masses au nom d’une conviction : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Sans condition. Sans limite. Comme il le mérite.

Un bon moment de lecture, qui me conforte dans mes opinions tout en m’offrant une autre vision, une porte ouverte sur la réflexion, sur l’Histoire, sur la conviction et ce vers quoi elle nous pousse… de nouveaux débats en perspective !


« Considérer certains comme exclus, c’est diviser notre peuple ! C’est donner aux uns le sentiment de n’être rien et aux autres d’être quelque chose. »

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