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Le voyant d'Etampes

Abel Quentin

La rentrée littéraire a commencé. Au milieu de toutes les têtes d’affiche et des Grands Noms du monde littéraire, un petit roman : le second du jeune Abel Quentin. Il m’arrive de plus en plus souvent de lire des livres dont je ne sais absolument rien, en dehors du titre. Et c’est ce que j’ai fait pour celui-ci aussi. Le mot Étampes a suffi à me donner envie.


Jean Roscoff est un historien, ancien prof de faculté, ancien partisan de SOS Racisme, ancien militant de la marche des Beurs de 1983. Actuel alcoolique, divorcé, dépressif. Passionné par la guerre froide, il décide de se re-pencher sur le destin tragique de Robert Willow, poète américain ayant émigré en France dans les années 1950. Gravitant dans la sphère de Sartre et de Beauvoir, Willow a fini par s’exiler au Sud de l’Essonne où il est mort dans un accident de voiture peu de temps après.

Voici ce que Jean Roscoff raconte dans son essai, publié dans une toute petite maison d’édition, à peu d’exemplaires. Mais ce que le soixantenaire ne souligne pas (ou du moins pas assez, à priori), c’est que le poète américain était noir. Et de là commence une véritable escalade. A l’heure où les réseaux sociaux et internet gouvernent le monde de l’information et où les mouvements de droits des uns et des autres se développent à la vitesse de la lumière, Roscoff est accusé d’appropriation culturelle quand on ne lui reproche pas le négationniste de la race. Tout y passe, tout lui est reproché : comment lui, homme blanc privilégié Français, peut-il se permettre d’écrire sur un afro-américain communiste des années du Maccarthysme ?


On ne dira jamais assez le vertige de celui qui réalise qu’il n’est plus dans le coup.

Abel Quentin dénonce, avec force et sources. Il dénonce le fait que maintenant, on ne peut plus rien dire, plus rien écrire, sans se voir acculé. Les blancs ne peuvent plus écrire sur les noirs, les hommes sur les femmes, les riches sur les pauvres. Celui qui n’a pas connu la souffrance ne peut pas en parler, et faire preuve d’empathie est encore un crime, un crime contre l’identité de la victime.

En cours de lecture, je me suis souvenu du tollé provoqué par Alma de Timothée de Fombelle et du discours tenu par Jodi Picoult dans Mille Petits Riens. Je me suis souvenue que sous prétexte de « politiquement correct » et de « respect », il fallait nier : nier ce que l’on pense, nier ce que l’on aime, nier ses convictions, nier ce que l’on est. A ce rythme, bientôt, seuls les médecins malades eux-mêmes pourront nous soigner.

Après tout, que savent-ils de ce que nous endurons ?


C’est une question essentielle et une réflexion sans fin qui a été ouverte avec la lecture de ce roman parfois difficile à suivre. Dois-je – ou non – continuer de m’intéresser à ce que je n’ai pas vécu ? Dois-je – ou non – continuer à aimer ceux qui sont différents de moi ?

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