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Le Pays des Autres 2

Leïla Slimani

Deux ans. C’est le temps qu’il aura fallu attendre pour retrouver Amine, Mathilde, Aïcha et les autres. Je n’en pouvais plus d’attendre et je me suis ruée sur ce deuxième tome avec la voracité d’un ogre.


« Elle était la révolution en marche. Elle était la preuve vivante que l’on pouvait se sortir de sa condition et gagner, par les études, son émancipation. »

Slimani nous accompagne donc à nouveau au Maroc. Les années ont passé depuis que nous avons quitté la famille de Mathilde. Cette dernière continue de s’occuper de sa maison, de son dispensaire, tandis que son mari est tout entier à la réussite de son exploitation qui s’est enfin déployée à la mesure de l’acharnement de l’homme, de son caractère et de son ambition. Aïcha est partie en France, pour faire ses études de médecine. Sélim, lui, pensait pouvoir jouir de l’absence de sa sœur pour enfin exister aux yeux de son père, mais il n’en est rien.

Ces quatre-là évoluent, au fur et à mesure que les années passent. L’indépendance du Maroc ne s’est pas faite sans conséquences sur le pays, le gouvernement. Hassan II, le roi est tout-puissant, il sait comment séduire les uns et réduire les autres. Les Hippies du monde entier envahissent les côtes et les traditions sont en péril, ces traditions chéries par les anciennes générations qui ne comprennent plus leurs jeunes.


« … pour eux, il ne s’agissait pas d’être contentés mais d’épuiser les immenses promesses que le corps de l’autre contenait. »

L’auteure manie les mots de telle manière que nous sommes là-bas, sur les terres riches et diversifiées du Maroc. Nous sommes plongés dans le passé de cette nation qui peine à trouver son identité propre après le départ des français. Un pays, comme un adolescent jeté dans la vraie vie, qui se cherche, se teste, doute, fait des bêtises, tente de se reprendre comme il peut.

Nous sommes tour à tour Mathilde, qui se sent vieillir et a peur d’être passée à côté des plus belles années de sa vie ; Amine qui bout d’ambition pour sa ferme, sachant que personne ne sera suffisamment courageux pour prendre sa suite ; Aïcha qui s’ancre dans le travail et a peur de s’abandonner à l’amour, l’amour qui pourrait l’empêcher de réaliser ce qu’elle doit réaliser ; Sélim qui se perd dans l’ombre de sa sœur, de son père, de sa tante… Chaque personnage se cherche, chaque personnage souffre, aucun ne trouve vraiment de réconfort auprès des autres.


Le titre du “pays des autres” prend ici une autre dimension : ce ne sont pas seulement les autres de Mathilde, ce sont les autres de tous les membres de cette famille, au demeurant attachants.

La plume de Slimani n’épargne personne : ni ses protagonistes imaginaires, ni les acteurs réels qui ont laissé au Maroc les cicatrices des chutes et des erreurs des années de plomb, marquées par la violence, la répression et la soif de pouvoir de son roi, Hassan II.

Un grand voyage dans l’espace et le temps donc, à lire pour en savoir plus sur ce pays si attirant, qui avait dès le début tout ce qu’il fallait pour s’épanouir et qui en a été empêché par les autres puis par les siens.


« Elle pensait que c’était cela aimer. Être loyale. Laisser l’autre inventer sa vie, la reconstruire, ne pas s’opposer à son désir d’être un personnage. »

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