Ermal Meta
« Combien un homme peut-il supporter, avant de se briser ou de renoncer ? Quelle est l'unité de mesure de la douleur? »
L’histoire débute dans l’hiver albanais de 1943. Le petit Kajan vit avec son grand-père dans une ferme isolée, éloignée des combats qui sévissent. Un soir, ils trouvent dans la grange un soldat allemand. Un déserteur. Par solidarité et pardon, ils accueillent Cornelius, lui offrent un toit et une protection. En échange, ce dernier va offrir à l’enfant le plus merveilleux des cadeaux : la maîtrise du piano. Kajan se révélera particulièrement doué, suffisamment pour en faire, plus tard, son métier.
1958. Jeune prodige, Kajan voit passer les années et les drames les uns après les autres. Il tombe amoureux, subit le joug de sa mère, cheffe du parti dans l’Albanie soviétique. Lors d’un voyage à Berlin Est, la vie du garçon va de nouveau basculer : après avoir perdu un amour à Tirana, il va en découvrir un autre, en même temps que la traitrise, la manipulation mais aussi la solidarité et l’entraide.
Toujours les années passent, toujours les catastrophes se succèdent dans la vie de Kajan. En 1963, Kajan est devenu Jo dans un restaurant de la Nouvelle-Orléans. Repéré en tant que pianiste de talent par un musicien de Jazz, il va le suivre en tournée et ses concerts le mèneront à New-York où, en 1972, il trouvera enfin un peu de répit. Pendant 11 ans, il aura la vie dont il rêvait, loin du bloc sociétique, loin de la pression et de la censure. Mais la vie étant ce qu’elle est, c’est par une nuit de pluie qu’il perdra tout et reprendra, quelques mois plus tard, la route de son Histoire et de celle de son pays.
« L’espoir est la dernière lumière qu’on éteint, quand on est au lit. »
Il est assez compliqué de résumer ce premier roman tant il comporte de rebondissements et de ramifications. On a du mal à croire que le sort puisse s’acharner avec autant de force et de pérennité sur un seul homme.
Enfant désabusé par la guerre de 1945, il sera un jeune déçu par sa mère et le régime communiste, un artiste piégé par le pouvoir, un fugitif rattrapé par le passé, un homme ramassé puis écrasé par l’amour, avant de devenir un fuyard puni pour une faute commise contre son gré.
De 1943 à 1990, rien n’est épargné à Kajan et à travers son histoire, c’est aussi les années noires du bloc de l’Est qui sont dépeintes dans ces pages. L’impossibilité de fuir complètement le régime et sa dictature, l’annihilation des libertés les plus basiques et indispensables comme la liberté de penser, d’aimer, de faire de la musique.
« haïr ensemble unit plus qu’aimer ensemble. »
Où qu’il aille dans le monde, Kajan est systématiquement rattrapé par son passé, par son identité et celle de son pays : ses racines sont ancrées, il ne peut s’y soustraire, quoiqu’il fasse, où qu’il soit. L’allemand lui a offert la musique, Elizabetha et Dana lui ont offert l’amour, Dash lui a offert une protection, Slow et Clyde lui ont offert l’amitié, mais rien ne peut effacer l’Albanie et son histoire. Kajan aura beau tenter de fuir, il y revient parce que c’est chez lui, c’est lui. Il y a beaucoup (trop?) dans ce roman, mais sans doute pas assez pour comprendre complètement ce qu’ont subi les Albanais et leurs voisins des Balkans pendant la guerre froide. Tout
« Il n'y a rien de plus réel que ce qu'on perçoit sans le voir. Comme les autres sens, les yeux peuvent se tromper. Le coeur, jamais. »
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