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Le dernier jour d'un condamné

Victor Hugo

« Il est certain que les livres sont bien souvent un poison subversif de l'ordre social. »

Dans le fond d’une cellule de la prison de Bicêtre, un homme se réveille sur cette pensée : “Condamné à mort”. Le soleil n’est pas encore levé, l’homme a conscience qu’il vit ses derniers moments. Jugé en assises, il a été déclaré coupable et le pourvoi en cassation n’a rien donné. Il va vite le savoir lorsque, vers 6h30 du matin, on vient lui remettre la décision de la cour : il mourra ce soir. 

Alors il demande de quoi écrire pour témoigner de ces ultimes heures de vie. Il est décidé à dire la vérité des condamnés. Il est décidé à ce que ces instants ne restent pas inconnus. Il s’étonne de ne pas être gracié, il espère puis désespère. Il pense à sa mère, sa femme, sa fille. Il tempête contre la foule qui se réjouit de la mort d’un homme sans même le connaître. 

Un guillotinage est un événement dans la société parisienne. Même les forçats, préparés à partir pour Toulon, s’émerveillent devant le condamné. Personne n’a donc pitié ? Personne ne se lèvera pour prendre sa défense et empêcher la sentence de s’accomplir ? 


« Les hommes sont tous condamnés à mort avec des sursis indéfinis.»

Nulle besoin de longues phrases ou de grands mots pour présenter ce grand manifeste de Victor Hugo. Plaidoyer en faveur de l’abollition de la peine de mort. A aucun moment on ne sait ce qu’a fait le condamné. C’est un parti pris, comme indiqué dans la préface de 1832 : l’auteur ne prend pas parti pour une personne en particulier mais pour l’humanité dans son ensemble.  

On ne sait pas, dans les premières pages, que ce que nous allons lire sont ses dernières heures. On apprend en même temps que le narrateur le déroulé de cette ultime journée. Il livre tout : ses questions, ses souvenirs, ses peurs, ses incompréhensions, son retour à la foi et ses déceptions. Lui qui croit va de déception en déception. La déception de ne pas être gracié, la déception d’être une attraction pour les parisiens qui assisteront en nombre à son exécution. Et surtout la déception de laisser derrière lui une petite fille que le crime de son père salira pendant des années. Cette enfant qui ne le reconnaît pas, qui croit son père déjà mort. Cette enfant en qui il a placé tout son amour. 

Victor Hugo n’y va pas par quatre chemins : la peine de mort est une ignominie qui n’a pas sa place dans la vie politique, qu’elle soit républicaine ou non. Il est temps que cela s’arrête : la loi du talion n’a pas lieu d’être, et rien ne justifie qu’on ôte la vie d’un homme, quel que soit son crime. Précurseur d’une idée qui aboutira en 1981, il oblige, presque 200 ans après la première publication de ce texte, à s’interroger sur cette question de la peine de mort. Il nous fait voir l’humanité du condamné mais pas son méfait. Cela ne l’intéresse pas. Ce qui l'intéresse, c’est la vie. Toutes les vies. 


« Ne sont-ce pas les mêmes convulsions, que le sang s'épuise goutte à goutte,  ou que l'intelligence s'éteigne pensée à pensée ? »

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