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Les autres ne sont pas des gens comme nous

J.M. Erre

« l'ambiance du moment facilite la tâche d’une personne comme moi qui caresse le rêve de devenir écrivaine. »

Troisième lecture recommandée par Vleel, troisième coup de cœur ! Décidément, cette communauté est une mine d’amour (je ne compte pas tout, il y a parfois des exceptions qui confirment la règle… ). Mais quel bonheur que cet opus de J.M. Erre !


«Lecteurs, lectrices, continuez donc à bouquiner au lieu de perdre votre temps et votre santé à essayer de vivre des histoires d’amours qui s’avèreront inévitablement foireuses. »

Julie est une jeune femme qui vit dans un petit village de Lozère. Elle ne sort jamais de chez elle, ne voit pas grand monde, ne fait pas de sport, n’a sans doute pas été scolarisée, et nourrit le rêve d’être écrivaine. Parce que Julie ne peut rien faire seule à part bouger l’index pour donner des ordres à son fauteuil roulant et à son porte-voix synthétique. Tétraplégique, elle est complètement dépendante de sa machine, des autres et de son imagination. Alors elle s’adonne à ce qu’elle aime le plus : rêver, imaginer, inventer, et faire rire. Parce que le handicap ne doit pas être ce qui la caractérise le plus selon elle, elle nous livre, pêle-mêle, plusieurs petites histoires mettant en scène des personnages attachants et aussi très atypiques : l”auteur à succès qui cache un lourd secret de ses années en tant que policier ; les deux jeunes gens nés le même jour de la même année aspirant au même grand amour ; la lettre datée de 1943 qui révèle la vraie nature de son destinataire ; l’homme qui, au jour de ses 50 ans, voit toute la chance cumulée se retourner contre lui ; la voix française d’une grande actrice américaine qui se retrouve sans travail quand son alter-ego décide de se retirer de la vie publique… 

Il y en a d’autres, bien sûr. Mais toutes ces histoires n’ont qu’un but : souligner que la vie que nous, valides, pensons parfois un peu rude, est un long fleuve tranquille comparé à ce que peut vivre une personne comme Julie. Et qui est la plus courageuse ? je vous laisse le deviner !


« alors que tant d’inégalités frappent l’humanité, la malchance s’impose comme un sentiment démocratique qui rapproche les peuples. »

Ce roman est EXACTEMENT ce dont j’avais besoin, là, tout de suite, en ce début de 2024. Une leçon de vie, oui, mais avec tellement d’humour et de légèreté ! Lorsque j’ai vu, à la toute fin de l’ouvrage, que les aventures narrées par Julie avaient initialement été publiées dans Fluide Glacial, ça a forcément confirmé que cet ouvrage était fait pour moi, aujourd’hui. 

Julie, coincée dans son fauteuil, a une conscience accrue de ce qu’elle est, de qui elle est, de ce qu’elle renvoie aux autres.Elle sait qu’elle provoque l’empathie et la stupeur, alors que ce qu’elle veut, elle, c’est faire rire. Elle utilise les moyens qu’elle a à disposition pour ce faire, et elle y arrive ! C’est une battante, lucide et intelligente, qui - à travers ses histoires - nous montre à nous lecteurs à quel point on peut être cons, parfois. A se plaindre sans arrêt, à se rêver plus grands, plus beaux, plus forts, à ne pas mettre de filtre dans nos paroles, à se gaver de culture sans jamais faire preuve de la moindre inventivité. 

La vraie vie, la belle vie, n’est pas dans la normalité. C’est chiant la norme, ça ne fait pas rêver, même une tétraplégique sans voix. Ce qui transporte et ce avec quoi l’auteur nous emporte dans la bonne humeur, ce sont les destins inattendus, les petites vengeances qui mettent du piquant, de la fantaisie dans le quotidien. Et si ce n’est pas dans le nôtre, c’est dans celui de quelqu’un d’autre, principe de vases communicants ! 

JM Erre dresse un portrait acide de notre société constamment mécontente en la mettant en parallèle avec le courage et l’humour d’une jeune femme qui pourrait s’appitoyer sur son sort mais qui préfère en rire et nous faire rire avec elle. C’est une leçon d’humilité et de perspective que j’espère réussir à garder en tête longtemps, pour me souvenir que tout bien considéré, est-ce que c’est grave ?


« Chaque être humain, enfermé dans sa monade, se vit comme le mètre étalon de la normalité et regarde les autres comme de pénibles déviants à ramener dans le droit chemin de soi-même… »

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