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Les marins ne savent pas nager

Dominique Scali

« Parfois, les choses seront belles même quand elles ne veulent rien dire. »

Sorti à l’occasion de la rentrée littéraire de l’automne 2022, ce gros roman d’aventures canadien a attisé bien des curiosités, dont la mienne. C’est en bord de mer que j’ai reçu ce roman comme une invitation au voyage… Quel merveilleux voyage !


« Ce qui est la vraie mesure de la bravoure, c'est point le succès de nos actions, mais la force avec laquelle la voix dans notre tête nous crie de nous enfuir pendant qu'on tient bon. »

Année inconnue, dans un XVIIIème siècle et un lieu imaginaire.

Sur l’île d’Ys, la vie est rythmée par la mer, les équinoxes et par les rotations qui permettent aux riverains de devenir, ou non, des citoyens. La petite Danaé Poussin est une orpheline, élevée sur le rivage par les saleuses et les marins. Sa particularité ? Elle sait nager. Et cela fait d’elle un être à part sur cette île où ils sont nombreux à aller en mer mais très peu à pouvoir s’en sortir en cas de naufrage.

Enfant, elle rencontre Enoc Martel, qui a été invité dans la cité et qui en est désormais exclu. Il a pour projet de créer une école pour apprendre aux enfants à lire. Peu de succès, mais Danaé sera sa première et sa plus fidèle élève. Quand le maître sera parti, elle gardera ses leçons en tête : lire et continuer de nager.

Plus tard, la jeune fille sauve un citadin de la noyade. Il tombe amoureux d’elle comme n’importe quel sauvé succombe aux charmes du sauveur. Elle lui résiste d’abord, pour l’honneur, puis se laisse enlever et inviter dans la cité tant convoitée. Là, elle va se confronter à une vie qu’elle n’osait rêver, qu’elle n’osait imaginer. A la cruauté, la mesquinerie, la jalousie… c’est la déception, la désillusion, jusqu’à la trahison.

Les années passent et avec elles Danaé change, grandit, mûrit. Elle se fait une place dans une petite société où elle est respectée, appréciée. Elle fait partie d’une famille, d’une communauté. Elle a un rôle, puisqu’en plus de savoir nager, elle sait toujours lire et écrire. L’arrivée du Pilote Jacques va la chambouler au-delà de tout. Jacques, c’est la promesse d’un nouvel avenir, de nouvelles aventures, de nouveaux horizons. Jacques c’est le courage, l’héroïsme, le don de soi et le rejet des conventions…


« Qu'est-ce qui poussait les humains à aimer, sinon une force autodestructrice inconciliable avec le fait d'être doté de raison ? »

On ne peut pas vraiment raconter l’histoire de Danaé, parce que ce roman, ce n’est pas uniquement le récit des péripéties d’une enfant, d’une jeune femme puis d’une femme. « Les marins ne savent pas nager », c’est avant tout une société, une Histoire. C’est la création d’un système de pensées, l’organisation d’une île, avec ses usages, ses habitudes, ses habitants, ses discriminations et ses souffrances.

Dans cette grande épopée, Danaé n’est qu’un caillou sur une plage de galets. Un très beau caillou, presque une pierre précieuse même, mais elle est ensevelie, entourée par d’autres qui, dans le courant de l’eau vont la bousculer, la recouvrir, la malmener, la soulever pour la rejeter plus loin.

Quoi qu’un peu compliqué en début de lecture par l’utilisation de termes anciens et de mots marins dont on n’est pas toujours coutumier, ce roman se laisse vite apprivoiser et c’est finalement lui qui nous happe, nous fait prisonnier. Difficile de le lâcher une fois qu’il nous a piégé. L’alternance entre les chapitres concernant les aventures de Danaé et de ses proches et ceux décrivant les us et coutumes de l’île permet de mieux comprendre ce qui arrive à la jeune fille et aux autres protagonistes. Grâce au plan d’Ys et à la frise chronologique en début d’ouvrage (qui sont assez souvent consultés en début de lecture), on a des points de repères, on sait où et quand on est, et très rapidement, l’Histoire d’Ys est intégrée comme l’Histoire de France. On se souvient presque du Massacre des Premiers Hommes comme on se souvient de la Révolution Française.

Il est ardu d’en dire plus, parce que ce roman, contrairement à ce que je pensais, ne se raconte pas, il se vit. On entre dedans comme dans la mer, l’eau capricieuse et lunatique des océans. On alterne entre peur, espoir, joie, tristesse et on se laisse porter par le courant de ce grand roman d’aventures.


« Nous nous intéressons aux personnages secondaires qui, doit-on le rappeler, sont les personnages principaux de leur propre histoire. »

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