Daniel Pennac
« Si vous voulez vraiment rêver, réveillez-vous...»
C’est bien simple, en ce moment, Daniel Pennac est absolument partout. A l’occasion de la sortie du huitième et dernier tome de la saga Malaussène, l’auteur du merveilleux traité Comme un roman est invité sur les radios, télés et journaux pour clore l’aventure de son anti-héros. L’occasion rêvée d’en faire enfin la connaissance…
« J'ai toujours pensé que je ferais un bon sourd et un mauvais aveugle. Retirez-moi le monde des oreilles, je l'aime. Bouchez-moi les yeux, je meurs.»
Benjamin Malaussène est employé depuis quatre mois dans le Magasin, grande surface parisienne où l’on trouve de tout, quand un vieil homme se fait exploser dans le rayon des jouets. Une seule victime, un vent de panique vite balayé par les besoins des affaires. Le travail reprend comme si de rien n’était et le bouc-émissaire reprend son rôle de bouc-émissaire. Comprendre que le job de Malaussène, c’est de se faire engueuler par les clients quand ils rencontrent un problème avec un produit. Il doit endosser la responsabilité de la faille, les attendrir et faire en sorte qu’il n’y ait pas de plainte. Il déteste cette mission dont il s’acquitte pourtant très bien.
A domicile, il est frère de famille. Aîné d’une fratrie de six dont la mère est partie en vadrouille avec Robert, il s’occupe de ses cadets et du chien Julius, du côté du Père Lachaise.
Deux semaines plus tard, c’est au niveau des pulls qu’un nouvel attentat a lieu. Un couple de personnes âgées cette fois. Alors que Benjamin est en plein numéro de charme auprès de Julia. Quand une troisième bombe explose et qu’il s’avère qu’une nouvelle fois, notre protagoniste est à proximité, forcément, tous les soupçons pèsent sur lui.
Bien décidé à comprendre pourquoi le Magasin est attaqué de la sorte, soutenu par son équipe d’amis et sa famille, Malaussène va mener une enquête parallèle à son projet de sape du magasin et de la fonction qu’il ne veut plus endosser… Drôle et déroutante, l’investigation de Benjamin va l’obliger à revoir son mode de fonctionnement, ses préjugés et à tout mettre en œuvre pour protéger et continuer de faire rêver et rire ses frères et soeurs.
« La pire des monstruosités ressortit toujours à l’enfantillage.»
Passé la surprise du style auquel je ne m’attendais absolument pas, je me suis plongée avec un plaisir enfantin dans la vie et les tribulations de ce personnage original et plein d’esprit. Il y a un côté Queneau, époque Zazie dans le métro dans sa façon d'exprimer les évènements et nombreux rebondissements. Un côté Zola dans la description de ce grand magasin qui fait “le bonheur des dames” (mais pas que) et une poésie à la Vian dans les rapports humains et les interactions de Benjamin avec sa fratrie, particulièrement avec sa sœur Clara.
Naïvement, je ne m’attendais pas à un roman d'adultes quand j’ai commencé cette lecture. Pennac porte tellement bien cette image d’instituteur qu’il a été que je pensais davantage à une sorte de conte, de fable. Mais cette réalité n’est pas une déception, bien au contraire. Benjamin Malaussène donne au rôle de bouc-émissaire une dimension beaucoup plus factuelle, terre-à-terre, utile à la société. Ce n’est pas une victime, ce n’est pas un souffre-douleur de cour de récréation, non. C’est son métier, sa fonction, pas son identité. Et je trouve que cela donne de la profondeur et de la richesse à ce personnage qui se fait payer pour se faire engueuler, qui n’est responsable d’aucun des problèmes dont il est accusé et qui le vit bien. Il met la distance nécessaire entre ce qu’il fait et ce qu’il est. Un grand frère dévoué (plus que ça même), un ami, le maître loyal d’un chien qui l’est tout autant, un amoureux très amoureux…
M’est avis que, par la création de ce métier de bouc-émissaire, Pennac donne une leçon, belle, riche, précieuse : sois ce que tu veux être, fais ce que tu peux, ne te limite pas à ce que l’on pense de toi. Malaussène, est un héros, un vrai !
Vivement le prochain !
« Les horaires de la vie devraient prévoir un moment, un moment précis de la journée, où l'on pourrait s'apitoyer sur son sort »
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