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Les vertueux

Yasmina Khadra

« La loyauté est le plus handicapant des sacrifices. Elle exige, parfois, des concessions contraires à notre conscience.La beauté, c’est pas important. Avec le temps, elle se fane. Mais l’amour, lui, c’est comme le vin. Il se bonifie avec l’âge.

Dans un douar de l’Algérie de 1914, Yacine, jeune homme d’une vingtaine d’années, vivant dans la plus grande pauvreté avec sa famille, est convoqué par le Caïd. Ce dernier exige de lui qu’il s’engage dans l’armée française pour combattre les Allemands, car son propre fils a été déclaré inapte au combat. Ainsi, notre jeune héros prendra la place du fils du chef, se fera passer pour lui. Après quatre ans dans les tranchées, sur la terre de France, Yacine revient et est trahi par celui qui lui avait promis de veiller sur sa famille.

S’en suivra une série d’aventures, de rencontres, de péripéties… Yacine traverse la première moitié du XXe siècle, alternant entre périodes de grâce et périodes de disgrâce, touchant du bout des doigts la violence la plus extrême, la misère la plus abjecte. Mais toujours, il aura à cœur de retrouver les siens, allant jusqu’à traverser l’Algérie de part en part, à travers le désert, le reg, les cités et les oasis.

Au fil des années, son chemin croisera celui de ses anciens camarades de régiment, certains nourrissant à son égard le plus grand respect, d’autres une pointe de dégoût, pour ne pas dire de la haine. C’est à un âge plus qu’avancé que Yacine reviendra sur cette vie de malheur, malheur qu’il aura plus ou moins provoqué, mais jamais vraiment mérité.

« La vie est une traversée et tu es un simple pèlerin. Le passé est ton bagage. Le futur, ta destination. Le présent c’est Toi. »

Ce n’est malheureusement pas la première fois que j’essuie une déception avec cet auteur que j’ai pourtant tant aimé dans Khalil, L’attentat ou Les hirondelles de Kaboul,… Dans ce nouveau roman de la rentrée littéraire 2022, Yasmina Khadra reprend des thèmes qui lui semblent chers, à savoir la relation conflictuelle entre l’Algérie et la France, mais également la recherche des êtres aimés envers et contre tous et la nécessité de rester droit et respectueux, quelles que soient les difficultés.

Ce qui était original dans Ce que le jour doit à la nuit, ce qui était émouvant dans Pour l’amour d’Elena, ce qui était authentique dans L’outrage fait à Sarah Ikker, revêt ici une dimension de déjà-vu, lassante. Sur les 550 pages que compte ce roman, seuls les 150 premières ont, de mon point de vue, un réel intérêt ou tout du moins une belle originalité.

On en apprend certes énormément sur la situation de l’Algérie et de ses habitants sur la première moitié du XXe siècle, sur les combats armés, les luttes rebelles, la souffrance suscitée par la présence des colons et des factions indépendantistes, mais tout cela est noyé par un sentimentalisme éculé, déjà trop de fois traité.

Il y avait, je pense, beaucoup à tirer de l’idée de départ, à savoir de ce jeune homme obligé de partir faire la guerre à la place d’un autre. Mais l’auteur a préféré rentrer dans d’autres considérations, très voire trop fournies, qui ont tendance à perdre le lecteur : dans les personnages, les interactions, les repères chronologiques… Je trouve dommage d’avoir voulu en mettre trop, ça laisse une sensation d’indigestion… Espérons que le prochain opus sera à la hauteur des chefs-d’œuvre auxquels l’écrivain algérien nous a précédemment habitués.

« Prendre conscience de la fugacité de l'existence et en faire un précieux objet, c'est cela liberté. Remercier chaque instant de grâce et œuvrer pour le mériter, c'est cela la liberté. »

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