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Requiem pour une république

Thomas Cantaloube

« Le malheur des autres renforçait la cohésion des citoyens épargnés. »

Première rencontre littéraire avec cet auteur rencontré en juin 2023 à Saint Maur. La promesse d’une plongée dans l’Histoire au rythme d’une enquête de police m’avait mis l’eau à la bouche et force est de constater que l’ancien journaliste a tenu ses promesses : voici un vrai bon polar plein d'enseignements !


« Il faut apprendre à contourner l'obstacle. Viser haut et viser loin, toujours. Et savoir attendre pour prendre sa revanche. »

Paris, 1959. Luc Blanchard, jeune flic de la brigade criminelle de Paris enquête sur un quintuple meurtre : une famille entière a été décimée dans les beaux quartier de Paris. Le père, avocat connu et reconnu au barreau est aussi un algérien, proche du FNL.

Félix, ancien maquisard demande à Antoine, bandit corse mouillé dans le transport de stupéfiants, de découvrir qui a fait le coup également. Parce que le préfet de police n’inspire pas confiance, et pour cause : Papon a déjà trempé dans pas mal de magouilles et l’ancien résistant n’a aucune confiance dans le travail de police.

Ajoutez à cela Sirius Volkstrom, mercenaire, qui devait - à la demande de l’adjoint du Préfet - liquider l’assassin de la famille mais qui n’a pas pu l'attraper pour lui régler son compte et qui se retrouve comme un con à chercher celui qui l’a doublé.

Les trois hommes cherchent la même personne donc, dans des directions différentes et avec des manières de procéder différentes surtout. Luc tente de rester intègre, Antoine droit dans ses bottes et Sirius ne reculant devant rien et n’ayant peur de personne. Forcément que leurs investigations vont se croiser, comme eux. Ils vont se confronter, se courir les uns après les autres, s’échapper et former à eux trois une longue tresse qui devrait déboucher à la résolution de cette affaire qui va s’étirer sur plus de deux ans : OAS, FNL, SAC… autant de sigles qui marquent une période trouble de l’Histoire de la France et vont les empêcher d’avancer, bloqués par les organisations et les haut-placés plus pourris les uns que les autres.


« La raison d'État a ses raisons que nous, ses pauvres serviteurs, ignorons… »

Bien que l’assassinat d’une famille entière soit un fait horrible en soit, c’est - ici - un prétexte à installer un contexte, une situation. En 1959, la France se débat avec les désirs d’émancipations de l’Algérie qui n’en peut plus de la colonisation. Le FNL se bat - pas toujours à la loyale - pour obtenir l’indépendance. La métropole lui rend ce qu’elle subit : pour un œil les deux, pour une dent toute la mâchoire. Papon aux commandes de la police de Paris organise ses magouilles pour soumettre les arabes et faire taire les éléments gênants. La situation dégénère de plus en plus au fur et à mesure que le temps passe et que les pages du roman se tournent. Luc, Antoine et Sirius sont aussi différents que déterminés et courrent tous les trois vers le même objectif, en empruntant des chemins différents cependant.

J’ai appris énormément de choses dans ce roman policier. L’écriture journalistique évite les dérapages et les sorties de route sans intérêt, et c’est une bonne chose, car malgré tout, l’ouvrage est assez long. A aucun moment, de l’ennui. A aucun moment un soupçon. A aucun moment, l’agacement. On est attrapés, curieux, envieux de savoir. Comme les trois protagonistes, on est parfois dépassés par ce qu’on apprend. En ce qui me concerne, j’ai beaucoup consulté les ressources à ma disposition pour me situer dans cette Histoire que je n’ai pas vécue et dont je n’ai rien appris à l’école. Il a fallu que je me plonge, avec Cantaloube, dans le passé trouble du début des années 60, chargé de manipulations, encore à vif - 15 ans seulement après la guerre. Désabusée par le Général, dégoutée par Papon, un poil déçue par Mitterrand. Mais happée, subjuguée par tout ce que j’ai découvert et - je dois l’avouer - un peu honteuse de ne pas savoir.

Attaquer La terre et le soleil de Belezi m’avait instruite sur le début et les conditions du début de la colonisation de l’Algérie. Requiem pour une République est une leçon puissante sur la fin de ce sale épisode de l’Histoire de l'hexagone : les mesures injustes, les passages à tabac, les essais nucléaires et pour finir, cette abominable soirée du 17 octobre 1961.

On peut pointer du doigts les autres pays qui, il y a moins de 70 ans se comportaient encore comme des barbares, on n’est pas mieux placés. La France a aussi de quoi rougir et demander pardon. Il faut aller de l’avant, mais ni se voiler la face, ni oublier. C’est l’essence même du pardon, non ?


« La IV° République était née sur les cendres du pétainisme et des combats de la Résistance, la V° démarrait sur les cadavres des Algériens et les remugles d'un fascisme en képi. »

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